Un « designer » salarié peut-il revendiquer des droits d'auteur sur sa création auprès de son employeur ?

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Article rédigé le 3 juin 2013  

Il ressort de l'article L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle que le créateur / designer salarié est, en principe, titulaire (propriétaire) des droits d'auteur sur sa création, indépendamment de son contrat de travail, sauf accord contraire conclu entre le salarié et l'employeur. Il ne sera pas abordé ici la délicate question des clauses de cession de droits d'auteur contenues dans un contrat de travail et de leur validité juridique.

Mais en pratique, le créateur / designer salarié contribue souvent, avec d'autres créateurs, à la réalisation de la création qui sera ensuite exploitée par l'employeur (entreprise).

Or, il ressort des articles L. 113-2 et L. 113-5 du Code de la Propriété Intellectuelle que les droits d'auteur attachés à une oeuvre collective sont présumés appartenir à la personne qui l'exploite sous son nom.

La question, dans ce cas, est donc de savoir si l'employeur peut se prévaloir de la qualité d'oeuvre collective à l'égard d'un designer / créateur salarié qui revendiquerait auprès de lui des droits d'auteur sur ses créations pour rejeter la demande du designer / créateur salarié.

À cet égard, la Cour d'appel développe un courant de jurisprudence qui apporte d'importantes précisions en la matière.

Ainsi, dans un arrêt du 5 novembre 2010, la Cour d'appel de Paris a jugé qu'un styliste qui justifierait « être à l'origine de modèles » mais « ne démontrerait pas avoir maîtrisé le processus de création de bout en bout » ne pourrait pas revendiquer de droits d'auteur (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 5 nov. 2010 : PIBD 2011, III, p. 121).

La même année, la Cour d'appel de Paris dans une affaire opposant la société Van Cleef à une ancienne salariée dessinatrice - dont l'activité comprenait « l'encadrement du service créations ainsi que sa participation active à l'oeuvre de création, son travail de création étant contrôlé par un "comité de créations" qui intervenait à tous les stades de la création » - va constater « des interférences de divers acteurs depuis la conception jusqu'à la mise en volume de bijoux de haute joaillerie », pour qualifier ces modèles d'oeuvres collectives. (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 15 janv. 2010, Van Cleef c/ Cécile Arnaud).

Récemment, dans une affaire opposant à nouveau la société Van Cleef à un salarié dessinateur - dont la fonction consistait à concevoir des dessins pour la réalisation de bijoux Van Cleef - la Cour d'appel de Paris va constater « l'absence d'autonomie dans la réalisation du dessin » litigieux - pour qualifier les modèles Van Cleef d'oeuvres collectives. (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 sept. 2012 : PIBD 2012, III, p. 720).

De façon pragmatique, la Cour d'appel va relever que :

→ le travail du dessinateur s'inscrivait dans un cadre contraignant qui l'obligeait à se conformer aux instructions esthétiques qu'il recevait de ses supérieurs ;

→ les dessins litigieux qui sont en tant que tels « dépourvus de valeur » avaient été réalisés dans le respect du style Van Cleef ;

→ d'autres personnes faisaient partie de la chaîne de création des modèles ;

→ les modèles avaient toujours été divulgués sous le nom de la société Van Cleef.

En conclusion, il est particulièrement important de connaître les conditions dans lesquelles les créations des créateurs / designer salariés ont été réalisées et ainsi de se poser les bonnes questions : création par une seule personne ou plusieurs personnes ? qui maîtrise le processus de création ? qui donne les orientations / instructions esthétiques ? qui édite et divulgue la création ? et sous quel nom ? etc.

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