Du nouveau dans la lutte contre la contrefaçon

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Article rédigé le 21 janvier 2010  


En réponse aux conséquences de la contrefaçon dans le monde, en termes économique, social et politique, l'OMC a adopté l'accord TRIPS/ADPIC qui établit, pour chacun des principaux secteurs de la propriété intellectuelle des normes minimales de protection et l'Union Européenne a mis en place un arsenal réglementaire important notamment avec la directive 200/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 dit « directive sur le commerce électronique », le règlement (CE) du Conseil n° 1383/2003 du 22 juillet 2003 concernant l'intervention des autorités douanières et la fameuse directive n° 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Tant au niveau international (I) qu'au niveau communautaire (II), la lutte contre la contrefaçon suscite de nouvelles initiatives.

I - Initiatives au plan international : l'Accord Commercial relatif à la contrefaçon et accord franco-chinois sur la lutte contre la contrefaçon

A - L'Accord Commercial Relatif à la Contrefaçon (ACRC) / Anti Counterfeiting Trade Agreement (ACTA)

Dès 2006, les États-Unis d'Amérique et le Japon ont entamé des négociations en vue d'établir un traité pour lutter contre la contrefaçon. Depuis, ils ont été rejoints par l'Australie, le Canada, l'Union Européenne (et les 27 États membres), le Japon, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Corée du Sud et la Suisse.

À l'instar du fonctionnement de l'OMC, des cycles de négociations ont été mis en place, notamment à Genève en juin 2008, à Washington en juillet 2008, à Tokyo en octobre 2008, à Paris en décembre 2008, à Rabat en juillet 2009, en Corée du Sud en novembre 2009. Les protagonistes souhaitent parvenir à un accord final en 2010.

Ces négociations intervenant en marge des instances internationales, telles que l'OMC, l'OMPI ou encore le G8, de nombreuses critiques ont été émises sur ce procédé notamment sur l'opacité des discussions, ou encore sur le fait que cet accord prévoirait de mesures qui porteraient atteinte au respect de la vie privée.

Face à ces critiques, les protagonistes ont publié un résumé des principaux éléments en discussion (actuellement accessible sur le site Internet de l'USTR des États-Unis).

Les objectifs annoncés sont les suivants :

* Renforcer les moyens de lutte contre la contrefaçon et le piratage (sous-entendu à partir des mesures existantes visées dans les textes rappelés en préambule)

* Renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage (sans que les moyens et les modalités de cette coopération ne soient encore déterminés). Mais d'ores et déjà le renforcement des capacités et de l'assistance technique des pays en développement est prévu.

Au plan juridique, il en ressort les points suivants :

Mise en oeuvre de mesures civiles en cas de contrefaçon :

* Dommages et intérêts et frais divers (dont les honoraires d'avocat) alloués à la victime ;

* Cessations des actes de contrefaçon ;

* Destruction ou mise hors circuit des marchandises portant atteinte à un droit (matériaux et instructions ayant servi à la création ou à la fabrication des marchandises en cause) ;

* Mesures provisoires, telles que la saisie des produits ou des documents.

Ces mesures, qui existent en grande partie dans l'arsenal juridique français, n'étaient pas aussi élaborées au plan international notamment dans l'accord ADPIC/TRIPS., en particulier en ce qui concerne la question des dommages et intérêts.

S'agissant des mesures frontalières, les protagonistes de l'ACRC / ACTA précisent que bien entendu, ils respecteront les dispositions de l'accord ADPIC/TRIPS mais aussi les déclarations de Doha sur la santé publique. Par ailleurs, s'ils semblent décidés à faire application des mesures de protection des droits de Propriété Intellectuelle sur les produits importés, ils apparaissent encore réservés en ce qui concerne les produits exportés et les produits en transit.

Concernant les procédures et sanctions pénales, il semblerait pour l'instant que les négociateurs s'orientent vers des dispositions très proches de l'accord TRIPS/ADPIC puisqu'il s'agit de clarifier l'étendue des infractions passibles de sanctions pénales dans les cas de contrefaçon de marques et de piratages de droit d'auteur et de droits connexes, étant précisé que les autres droits de Propriété Intellectuelle ne sont pas visés pour l'instant.

Enfin, au sujet des nouvelles technologies, les négociateurs posent la question de la responsabilité des fournisseurs de services à Internet dans la lutte contre le piratage de droit d'auteur et de droits connexes, sans que d'autres précisions ne soient connues.

En définitive, cet accord surprend en ce qu'il prend forme, petit à petit, en dehors des instances internationales. Mais c'est peut-être le caractère confidentiel de ces négociations internationales, qui permettra à des solutions, qui auraient mis de nombreuses années à être acceptées dans le cadre de négociations officielles et médiatisées, de voir le jour plus rapidement dans un assez grand nombre de pays.

B - L'accord franco-chinois sur la lutte contre la contrefaçon

Le 7 juillet 2009 a été signé un accord entre le CNAC (Comité National AntiContrefaçon français) représenté par son secrétaire général Mr Benoît Battisteli (également directeur général de l'INPI) et l'administration chinoise pour l'industrie et le commerce (SAIC) relatif à la protection des droits de Propriété Intellectuelle

Cet accord, qui est le premier accord bilatéral entre la Chine et un pays tiers, a pour but d'approfondir la coopération dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon, y compris celle circulant sur Internet notamment entre les administrations, départements ou bureaux compétents de la SAIC et du CNAC, par des réunions à intervalles réguliers, des débats sur les législations et l'organisation d'échanges d'experts, de formations et de forums de travail.

II - Initiatives au plan communautaire : création d'un observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, coopération administrative, accords volontaires

A - Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage

Le 2 avril 2009 a été inauguré l'Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage dont le rôle, dans un premier temps, est de rassembler en un seul point les informations et les données en rapport avec toutes les atteintes aux droits de la Propriété Intellectuelle.

À terme, cet observatoire a vocation à devenir la source paneuropéenne des connaissances par le biais d'une plateforme où les représentants des autorités nationales et les parties intéressées échangent des idées et leur expertise en matière de bonnes pratiques afin d'élaborer des solutions pratiques, des stratégies de sensibilisation plus ciblées auprès des consommateurs et plus d'actions réalisées en collaboration.

Les objectifs d'ores et déjà affichés sont les suivants :

* Améliorer « la collecte et l'utilisation d'informations et de données indépendantes et fiables :

- en élaborant une méthodologie de référence pour la collecte, l'analyse et la transmission de données indépendantes relatives à des atteintes aux droits de Propriété Intellectuelle qui garantit que les informations sont rassemblées objectivement et de façon équilibrée;

- en réalisant des analyses minutieuses et en présentant des évaluations régulières des incidences économiques et sociétales, notamment l'impact sur l'innovation, la compétitivité et l'emploi en Europe, le rôle du crime organisé et les risques pour la santé et la sécurité des citoyens européens;

- en ayant recours à des données complètes fournies par les autorités publiques et les organisations privées pour évaluer les forces et les faiblesses de l'application des droits de Propriété Intellectuelle dans l'ensemble du marché intérieur;

- en présentant des rapports réguliers et précis pour définir les vulnérabilités au sein du marché intérieur, pour mettre en avant les menaces et les défis et pour favoriser des stratégies de lutte contre la contrefaçon fondées sur des éléments probants. Les rapports accessibles au public fourniront une base de connaissances solide et seront des instruments primordiaux pour fixer les priorités et évaluer les progrès effectués;

* Encourager et diffuser les bonnes pratiques parmi les autorités publiques :

- en cernant et en évaluant la coordination de l'application des droits de Propriété Intellectuelle dans les États membres;

- en encourageant et en diffusant les bonnes pratiques notamment par des initiatives de coopération innovantes entre les différentes autorités chargées de l'application des lois ainsi qu'avec les autres autorités nationales concernées;

- en définissant et en présentant des programmes de formation sur la lutte contre la contrefaçon organisés dans les différents États membres et en transmettant les bonnes pratiques;

- en encourageant le respect total des droits de propriété intellectuelle par les projets financés par le secteur public;

- en stimulant la coopération entre le secteur public et le secteur privé, notamment en ce qui concerne la sensibilisation et la formation des membres des agences compétentes;

* Diffuser les stratégies les plus efficaces du secteur privé;

- en recensant et en évaluant les stratégies anti-contrefaçon et anti-piratage et les actions menées par le secteur privé et en diffusant les bonnes pratiques;

- en s'adressant à un large éventail de parties intéressées dans la chaîne de distribution, comme les organisateurs de salons professionnels, les sociétés de transport et de logistique et les prestataires de services de paiement;

- en encourageant les actions pour améliorer la qualité des droits de propriété intellectuelle afin qu'ils puissent être efficacement défendus;

- en recensant les campagnes de sensibilisation du public performantes, en élaborant des stratégies et des initiatives et en diffusant les bonnes pratiques dans l'ensemble des secteurs économiques et au-delà des frontières nationales;

- en étudiant comment la sensibilisation et la formation sur les droits de Propriété Intellectuelle peuvent être encouragées auprès des jeunes;

* Recenser, communiquer et proposer des solutions aux principaux problèmes;

- en évaluant et en mettant en avant les problèmes de certaines zones géographiques et certains secteurs et en fournissant des recommandations aux décideurs politiques, aux agences compétentes et aux parties intéressées. »

Pour la réalisation de ces objectifs, l'Observatoire devrait reposer sur des structures existantes de la Commission Européenne et devrait recourir à des experts externes lorsque c'est nécessaire.

Les États membres seront invités à nommer un représentant national. Les parties intéressées (notamment les organismes européens et nationaux représentant les secteurs économiques les plus concernés par la lutte contre la contrefaçon et le piratage et les plus expérimentés en la matière, organismes représentatifs des consommateurs européens) seront également invitées à participer pleinement au travail de l'observatoire.

Le 14 décembre 2009, sous l'égide de cet observatoire, les Etats membres et la Commission Européenne se sont réunis à Stockholm afin de développer des initiatives concrètes pour combattre la menace croissante que représentent la contrefaçon et le piratage dans l'Union Européenne. L'objectif affiché de la Commission Européenne est garantir un système d'application efficace et proportionné à la fois dans et hors du Marché Intérieur.

B - Une coopération administrative accrue

Pour la Commission Européenne, le renforcement de la coopération administrative entre les différentes autorités compétentes apparaît une nécessité absolue eu égard au caractère international des atteintes aux droits de Propriété Intellectuelle. Une telle coopération devrait avoir pour effet de garantir une défense cohérente et efficace des droits de Propriété Intellectuelle dans l'ensemble du marché intérieur.

Cette coopération administrative s'applique déjà dans le domaine des douanes. Mais dans le but de créer un marché intérieur sans frontière, la Commission Européenne souhaite créer un réseau efficace de points de contact dans toute l'Union européenne pour promouvoir les échanges rapides d'information sur les produits suspects, les sites de fabrication, les circuits de distribution et les principaux points de vente. Le but est de créer des synergies qui, à leur tour, contribueront à la coordination des politiques nationales et à la fourniture d'une assistance mutuelle.

Pour créer une coordination efficace au sein des États membres entre les responsables de la lutte contre la contrefaçon de nature à permettre des échanges accrus d'informations, il est prévu que les États membres seront appelés à nommer des coordonnateurs nationaux avec un mandat précis pour harmoniser les questions de lutte contre la contrefaçon entre leurs agences nationales respectives.

Ces coordonnateurs nationaux devront être reliés directement entre eux par un système centralisé et fonctionner comme des points de contact pour les organismes du secteur, en assurant le lien avec les parties intéressées et en facilitant la collaboration transfrontalière.

Selon la Commission Européenne, les offices nationaux de la propriété intellectuelle pourraient jouer un rôle considérable dans la création de plateformes et de stratégies pour favoriser des approches coordonnées et diffuser les bonnes pratiques.

D'autres organismes internationaux de propriété intellectuelle (comme l'Office européen des brevets) seraient également susceptibles de communiquer leur expertise et leurs bonnes pratiques. De plus, en ce qui concerne les marques, les dessins et les modèles, la coopération entre l'OHMI et les offices nationaux pourrait être davantage renforcée pour couvrir la coopération européenne ainsi que les programmes et actions futurs de lutte contre la contrefaçon.

C - Favoriser des accords volontaires entre les parties intéressées

La Commission Européenne souhaite privilégier les accords volontaires entre les parties intéressées aux solutions législatives.

Dans ce contexte, la Commission Européenne souhaite notamment encourager les parties intéressées à trouver des solutions pratiques et notamment des solutions technologiques contre la contrefaçon et le piratage dans le cadre d'accord. Ces accords ont pour avantage, outre le caractère pratique des solutions recherchées, leur portée internationale ce qui est essentiel en matière de contrefaçon. La Commission Européenne accepterait d'arbitrer les discussions en organisant des réunions périodiques, en fournissant le soutien administratif et logistique.

Ainsi, la Commission Européenne a initié des discussions sur la vente de marchandises de contrefaçon sur Internet. Et une charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet vient d'être signé par un grand nombre de marques titulaires de droits, des fédérations professionnelles et des plateformes d'e-commerce (Priceminister et 2xmoinscher.com) qui se sont accordés sur des engagements réciproques fondées sur des solutions concrètes. Cette charte, qui constitue une première en europe, définit les modalités de coopération et les moyens à mettre en oeuvre par les parties prenantes pour lutter efficacement contre la vente de produits de contrefaçon sur Internet.

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