Comment rompre une relation commerciale établie ?

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Article rédigé le 03/12/208  


 S'il est toujours possible de mettre fin à une relation commerciale établie, encore faut-il pouvoir déterminer ce que l'on entend par relation commerciale établie et ensuite respecter un délai de préavis suffisant pour éviter la qualification de rupture brutale au sens de l'art. L. 442-6, I 5° du code de commerce. Une série de décisions récentes des Tribunaux français démontre la difficulté de l'exercice...

Doit-on respecter une forme particulière pour notifier à son partenaire commercial la fin d'une relation commerciale établie ?

Il semblerait que non puisque par arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il a été jugé qu'en notifiant à son cocontractant qu'il allait recourir à l'avenir à la procédure d'appel d'offres à laquelle celui-ci pouvait participer, il a fait courir le délai de préavis fixé à trois mois au contrat considérant qu'à l'évidence il lui annonçait qu'il n'allait pas continuer ses relations contractuelles, en tous les cas dans les mêmes conditions. (Cass. com 18 décembre 2007, n° 05-15.970 Sté S----- F-----c/ D-----'A-----)

Qu'est-ce qu'une relation commerciale établie ?

Par arrêt de la Cour d'appel de Versailles, il a été jugé que le fait pour une entreprise de répondre à tous les appels d'offres d'un distributeur et d'avoir été sélectionné à plusieurs reprises par ce distributeur ne permet pas à cette entreprise de se prévaloir d'une relation d'affaires établie avec ce distributeur dans la mesure où l'appel d'offres place l'entreprise en question dans une situation de précarité qui s'oppose au caractère stable, suivi et habituel propre à la relation commerciale établie. (Cour d'Appel Versailles, 18 septembre 2008 n° 07-7891, 12è ch. Sect. 1 Sté M----- c/ B----)

Par arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il a été jugé que si quatre contrats d'achat-revente ont bien été signés par les parties, l'existence d'un contrat de distribution n'a pas été démontrée et la relation commerciale entre les parties n'est pas suffisamment établie puisqu'elle n'aurait duré que quelques mois. Dès lors, il n'y aurait pas lieu de faire application de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce visant la rupture brutale d'une relation commerciale. (Cass. Com 18 décembre 2007, n° 06-10.390 M-------c/ Sté C------ D------ B----- T-----).

Quel délai de préavis doit-on respecter ?

Les décisions judiciaires récentes en la matière semblent établir un lien entre la durée du préavis et la durée de la relation commerciale établie...

Ainsi, par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles, il a été jugé qu'en notifiant à un négociant en vins, quelque huit mois avant la date de la Foire aux vins de Paris à laquelle il avait l'habitude de participer, que celle-ci excluait les négociants en vins, l'organisateur de la Foire est à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales avec ce négociant. Pour motiver sa décision, la Cour d'Appel retient d'une part qu'en participant depuis plusieurs années à la Foire, il existait une relation commerciale entre les parties et d'autre part que la Foire est un événement économique et financier important pour ce négociant en vins qui y réalise environ 45 % de son chiffre d'affaires. Dans de telles circonstances, l'organisateur de la Foire aurait dû, selon la Cour d'Appel de Paris, respecter un préavis de 12 mois à l'égard de ce négociant en vins ! (Cour d'Appel Versailles 12 juin 2008, n° 07-1247, 12ème Ch. Sect. 1, SA C------ Paris c/ P.)

Par arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il a été jugé notamment que le respect d'un préavis de trois mois alors que le cocontractant entretenait un lien commercial depuis six années était insuffisant et s'assimilait à une rupture brutale d'une relation commerciale établie au sens de l'art. L. 442-6, I 5° du code de commerce.

En l'occurrence, la société Établissements G----- qui exploitait un garage depuis le 20 août 1979 a distribué les carburants et les lubrifiants de la marque M--- O---- jusqu'au 26 mai 1997, date à laquelle la société BPF---- a repris les obligations de la M--- O--- en ce qui concerne la vente des carburants. Selon contrat de commission en date du 22 décembre 1999, la société BPF--- a confié à la société Établissements G---- la vente au détail de carburants BP. Par courrier du 18 septembre 2003, la société BPF--- a fait part à la société Établissements G----- de sa décision de ne pas renouveler le contrat du 22 décembre 1999 à son échéance du 31 décembre 2003.

La cour de cassation précise dans son arrêt que « la brutalité de la rupture doit être appréciée en fonction de la durée totale de la relation, peu important que des contrats se soient succédé » et que la relation commerciale « doit se comprendre comme le cumul de la durée des relations avec les cocontractants successifs ». (Cass. Com 29 janvier 2008 n° 07-12-039 Sté Établissements G----- c/ BPF-----).

Par arrêt de la Cour d'Appel de Paris, il a été jugé que le respect d'un préavis d'un mois et demi était suffisant alors même que la relation commerciale a duré au total 9 années. Pour motiver sa décision, la Cour d'Appel de Paris relève que le contrat en cause était un contrat de concession de trois années qui excluait toute reconduction tacite. Dès lors, les parties n'avaient aucune certitude sur la poursuite de cette relation commerciale au-delà de cette période de trois années. (C.A. Paris 29 mai 2008, n° 05-101, 5ème Ch B. SARL A--- B--- c/ SA R--- X---)


Conclusion :

Ces décisions paraissent ignorer que :

- l'art. L. 442-6, I 5° du Code de commerce ne conditionne pas son application à une relation commerciale d'une durée minimale

- une décision de la Cour d'Appel de Versailles en date du 29 février 2003 précisant que la notion de « relation commerciale établie » vise toutes les relations entre professionnels relevant ou non d'un contrat écrit dès lors que celle-ci soit durable, continue et présente une certaine intensité.

Enfin, l'arrêt de la Cours d'appel de Versailles du 18 septembre 2008 et celui de la Cour d'appel de Paris du 29 mai 2008 (commentés ci-dessus) semblent quelque peu contradictoires avec la décision de la Cour de cassation du 29 janvier 2008 (précédemment commentée) qui précise que la relation commerciale « doit se comprendre comme le cumul de la durée des relations avec les cocontractants successifs ». (Cass. Com 29 janvier 2008 n° 07-12-039 Sté Établissements G------ c/ BPF------).

Pour mémoire, l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce dispose que :

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. À défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ; (...) »


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