Bientôt la France comptera une nouvelle loi pour renforcer encore la lutte contre la contrefaçon

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Article rédigé le 21/01/14  


Pour rappel, la directive du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (PE et Cons. UE, dir. 2004/48/CE, 29 avr. 2004 : JOUE n° L 195, 2 juin 2004) a été transposée en France par la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon (JO du 30 octobre 2007).

Cette proposition de loi a pour objectif de remédier aux carences et imprécisions de la loi du 29 octobre 2007 qui ont été décelées à la suite d'un rapport d'information publié par le Sénat le 9 février 2011

Marquant une volonté politique certaine, le gouvernement a engagé la procédure accélérée concernant cette proposition de loi qui ne fera l'objet que d'une seule lecture devant chaque chambre. Il y a lieu d'observer qu'elle a déjà été adoptée fin novembre 2013 à l'unanimité par le Sénat. La commission des lois de l'Assemblée nationale devrait examiner le texte le mercredi 22 janvier prochain. Elle donc toutes les chances d'être adoptée cette année !

Les principales modifications de cette proposition de loi sont les suivantes :

1. La spécialisation des juridictions civiles (Chapitre 1 / article 1 de la proposition de Loi)

Le contentieux des indications géographiques devrait relever exclusive du Tribunal de grande instance de Paris. Elle devrait également préciser que la compétence du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris couvre non seulement le contentieux des brevets stricto sensu (et donc des topographies de produits semi-conducteurs qui obéissent au même régime contentieux) mais également celui des inventions de salariés.

Il est à noter que la spécialisation des magistrats, notamment à l'ENM (École Nationale de la Magistrature) n'est toujours pas d'actualité, ce qui est regrettable. De même, l'idée d'étendre la durée d'affectation de ces mêmes magistrats au sein de chambre spécialisée n'a pas été retenue.

2. Le dédommagement civil (Chapitre 2 / article 2 de la proposition de Loi)

Visant à faire disparaître, dans le domaine de la contrefaçon, toute faute lucrative, les juridictions devraient être tenues de distinguer trois types d'indemnisation :

- celle réparant les conséquences économiques négatives subies par la partie lésée ;

- celle réparant le préjudice moral causé à cette dernière ;

- celle prenant en considération les bénéfices réalisés par le contrefacteur ainsi que les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon.

Cette évaluation du préjudice devrait concerner tous les droits de propriété intellectuelle sans exception.

En outre, si les sommes découlant de cette indemnisation ne permettent pas de réparer l'intégralité du préjudice, les juges devraient avoir la possibilité d'ordonner la confiscation au profit de la partie lésée, de tout ou partie des « recettes » procurées par la contrefaçon. Il est à souligner que les termes « intégralité du préjudice » et recettes » ne sont pas définis, ce qui alimentera certainement une jurisprudence sur l'interprétation qu'il conviendrait d'en faire, sachant que l'allocation de dommages - intérêts punitifs est illicite.

À noter également que la notion de « mauvaise foi » du contrefacteur n'est pas prise en compte dans le calcul du dédommagement, et ce alors même que cette notion apparaît dans la directive 2004/48/CE et dans les accords ADPIC.

3. Le droit à l'information (Chapitre 3 / article 3 de la proposition de Loi)

Elle devrait préciser d'une part que le droit à l'information peut être mis en oeuvre avant la condamnation au fond pour contrefaçon par le juge de la mise en état ou par le juge des référés et d'autre part que la liste des documents ou informations susceptibles d'être ordonnés par le juge dans le cadre du droit à l'information n'a pas de caractère exhaustif. Ces dispositions concerneraient tous les droits de propriété intellectuelle.

Si, en principe, le droit à l'information et la saisie contrefaçon sont deux outils procéduraux indépendant l'un de l'autre, dans la pratique, des opérations de saisie contrefaçon sont parfois exigées préalablement à l'acceptation d'une demande à un droit à l'information. Il aurait été opportun de préciser ce point dans cette proposition de loi.

4. Preuve (Chapitre 4 / articles 4 à 5 de la proposition de Loi)

Elle devrait aligner la procédure de saisie-contrefaçon applicable en droit d'auteur ainsi que la procédure sui generis de saisie-contrefaçon applicable aux logiciels et bases de données sur celle en vigueur en propriété industrielle.

Également, le non-respect du délai pour se pourvoir au fond après la saisie-contrefaçon devrait être sanctionné non plus par la nullité mais par la mainlevée ce qui conduirait concrètement à annuler la saisie réelle et à maintenir la saisie descriptive. Cette disposition s'appliquerait à tous les droits de propriété intellectuelle. Certains auteurs y voient une source de difficulté avec les dispositions de la Directive communautaire qui envisage une sanction plus proche de la nullité que de la mainlevée. (Cf. art. 7 al.3).

Enfin, elle envisage la possibilité pour le juge d'ordonner d'office toute mesure d'instruction, même lorsqu'aucune saisie-contrefaçon n'a eu lieu, ce qui laisse étrangement penser aux dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile....

Cette dernière disposition sera certainement source de difficulté lorsque l'on sait que les Tribunaux interdisent actuellement le recours aux dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile pour faire constater la violation d'un droit de propriété intellectuelle. On ne peut donc que s'interroger sur l'interprétation qu'il conviendra de faire sur la notion de « mesures d'instruction légalement admissibles » que le juge peut de surcroit ordonner d'office. En outre, le juge compétent pour ordonner ces mesures d'instruction n'est pas précisé, ce qui laisse libre court, là encore, aux débats judiciaires. 

5. Actes contrefaisants (Chapitre 5 / article 6 de la proposition de Loi)

Parmi les actes de contrefaçon, la loi inclurait l'exportation et le transbordement (marchandises de provenance ou à destination extra-communautaire qui transitent en Europe) en plus de l'importation et de la détention.

Mais il est à noter qu'en l'état du droit communautaire et de son interprétation par la CJUE dans les arrêts Philips et Nokia, il n'est pas possible de soumettre au contrôle douanier l'ensemble des marchandises en transbordement.

6. Moyens d'action des douanes (Chapitre 5 / articles 7 à 156 de la proposition de Loi)

Elle alignerait la procédure nationale de retenue douanière sur les procédures communautaires définies par le règlement n° 1383/2003 du Conseil du 22 juillet 2003. Ce faisant, tous les droits de propriété intellectuelle devraient être concernés par la procédure de retenue douanière.

Également, elle :

- étendrait à tous les droits de propriété intellectuelle, les pouvoirs des douanes en matière d'infiltration et en matière de « coups d'achat » ;

- tendrait à assouplir la mise en oeuvre des contrôles douaniers en matière d'accès aux locaux des opérateurs postaux et des entreprises de fret express ;

- viserait à permettre l'accès aux bases de données des opérateurs postaux et des entreprises de fret express ;

- viserait à permettre aux agents de la douane d'accéder à la partie des locaux et lieux à usage professionnel qui est affectée à usage d'habitation, à condition de recueillir l'assentiment exprès de l'occupant des lieux.

7. Prescription (Chapitre 6 / article 16 de la proposition de Loi)

Le délai de prescription serait de 5 ans à l'instar du délai de droit commun.

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Sources

- Proposition de loi du 30 septembre 2013 n° 866 tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon

- Propriété industrielle n° 12, décembre 2013, alerte 87, « le sénateur Yung persévère dans la lutte contre la contrefaçon », Messieurs François Xavier BUFFET DELMAS D'AUTANE et Jules FABRE,

- Propriété industrielle n° 12, décembre 2013, repère 11 « vingt fois sur le métier ... A propos du renforcement de la lutte contre la contrefaçon », Mr Christian LE STAND

- Note de l'APRAM sur la proposition de loi du 30 septembre 2013 n° 866 tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon

- Communication Commerce Electronique n° 12n décembre 2013, comm. 123 « Les mystère insondables du droit d'information », Mr Christophe CARON



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